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Albert Camus
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«En février 1905, à Moscou, un groupe de terroristes, appartenant au parti socialiste révolutionnaire, organisait un attentat à la bombe contre le grand-duc Serge, oncle du tsar. Cet attentat et les circonstances singulières qui l'ont précédé et suivi font le sujet des Justes. Si extraordinaires que puissent paraître, en effet, certaines des situations de cette pièce, elles sont pourtant historiques. Ceci ne veut pas dire, on le verra d'ailleurs, que Les Justes soient une pièce historique. Mais tous les personnages ont réellement existé et se sont conduits comme je le dis. J'ai seulement tâché à rendre vraisemblable ce qui était déjà vrai... La haine qui pesait sur ces âmes exceptionnelles comme une intolérable souffrance est devenue un système confortable. Raison de plus pour évoquer ces grandes ombres, leur juste révolte, leur fraternité difficile, les efforts démesurés qu'elles firent pour se mettre en accord avec le meurtre - et pour dire ainsi où est notre fidélité.» Albert Camus.
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«Tu es entrée, par hasard, dans une vie dont je n'étais pas fier, et de ce jour-là quelque chose a commencé de changer. J'ai mieux respiré, j'ai détesté moins de choses, j'ai admiré librement ce qui méritait de l'être. Avant toi, hors de toi, je n'adhérais à rien. Cette force, dont tu te moquais quelquefois, n'a jamais été qu'une force solitaire, une force de refus. Avec toi, j'ai accepté plus de choses. J'ai appris à vivre. C'est pour cela sans doute qu'il s'est toujours mêlé à mon amour une gratitude immense.» Pendant quinze ans, Albert Camus et Maria Casarès échangent des lettres où jaillit toute l'intensité de leur amour. Entre la déchirure des séparations et les élans créateurs, cette correspondance met en lumière l'intimité de deux monstres sacrés au sommet de leur art.
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«Caligula : C'est une vérité toute simple et toute claire, un peu bête, mais difficile à découvrir et lourde à porter.Hélicon : Et qu'est-ce donc que cette vérité, Caïus ?Caligula : Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux.Hélicon : Allons, Caïus, c'est une vérité dont on s'arrange très bien. Regarde autour de toi. Ce n'est pas cela qui les empêche de déjeuner.Caligula : Alors, c'est que tout, autour de moi, est mensonge, et moi, je veux qu'on vive dans la vérité !»
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« L'Étranger », « Le Mythe de Sisyphe », « Caligula » et « Le Malentendu » avaient formé ce que Camus appelle, dans ses « Carnets », le cycle de l'absurde. « Les Justes « succèdent à « La Pest »e et accompagnent la genèse de « L'Homme révolté » pour composer un second cycle, celui de la révolte. Il n'y a pas de rupture entre les deux cycles : le sentiment d'absurdité appelle la révolte. À l'instar d'Arthur Koestler, il va dénoncer plus systématiquement ce « sens de l'Histoire », au nom duquel la révolte a été confisquée au profit d'une révolution fondée sur la terreur. Nous voici engagés dans un débat d'idées. Il est au coeur des « Justes », pièce où Camus aspire une fois encore au génie tragique. Certains lui ont trouvé des accents cornéliens. La tragédie classique, après tout, était pour partie un affrontement d'idées. Le difficile pari de Camus est d'écrire, sinon une tragédie, du moins une pièce tragique sur son époque.
Dans « L'Homme révolté », Camus date du meurtre du général Trepov (1878) la naissance du terrorisme russe. Le terrorisme va gagner tout l'Occident. Après le meurtre d'Alexandre II en 1881, ce sera celui de Sadi Carnot en 1894, précédé par les « exploits » de Ravachol, de Vaillant et de Henry ; celui d'Elisabeth, impératrice d'Autriche, en 1898 ; celui de Mac Kinley, président des États-Unis, en 1901. Et l'histoire n'est pas finie...
« L'héroïsme est peu de chose, le bonheur plus difficile », écrivait Camus dans les « Lettres à un ami allemand ». « Dora et Kaliayev veulent vivre heureux en même temps qu'ils se sacrifient pour le peuple et, au contraire de Stepan, ils puisent dans leur amour la force de leur sacrifice. C'est qu'il faut être fort et heureux pour bien aider les gens dans le malheur. Celui qui traîne sa vie et succombe sous son propre poids ne peut aider personne. » L'affrontement se produit ici entre les « justes », comme Kaliayev, et les intégristes de l'Organisation, incarnés par le seul Stepan. Si tension il y a, elle est entre révolte et révolution. Mais tous les conjurés s'accordent sur l'objectif à atteindre. Le dilemme n'est pas : « Faut-il ou non s'opposer au Tsar ? », mais : « A-t-on le droit, pour le renverser, d'utiliser tous les moyens ? ».
On peut s'effaroucher que les « justes » se déterminent non par rapport à des apôtres de la non-violence, qui auraient eu leur mot à dire, mais par rapport aux intégristes de la révolution. Bref, c'est meurtriers contre meurtriers. Pour Camus, nous le savons, la tyrannie appelle la violence. Le sens de l'honneur et le souci de l'efficacité commandaient aux « justes » de tuer ; le « complément » rappelle qu'ils ont, en échange, accepté la mort. C'est dire qu'on ne trouve plus trace, ni dans « Les Justes » ni dans leur mode d'emploi, de la réserve que Camus avait inscrite dans l'ébauche : « Une vie est payée par une vie. Le raisonnement est faux, mais respectable. » Aurait-il, chemin faisant, trouvé de quoi fonder en raison le respectable sacrifice de Kaliayev ? Parions plutôt que l'action dramatique a imposé à l'écrivain une logique qui ne coïncidait plus avec celle du moraliste.
Édition présentée, établie et annotée par Pierre-Louis Rey, professeur émérite à la Sorbonne Nouvelle.
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«On aura peut-être été un peu surpris de voir dans ces discours l'accent porté par Camus sur la défense de l'art et la liberté de l'artiste - en même temps que sur la solidarité qui s'impose à lui. Cela faisait certes partie de ce que lui dictaient les circonstances et le milieu où il devait les prononcer, mais il est certain que Camus se sentait accablé par une situation où, selon ses propres paroles, le silence même prend un sens redoutable. À partir du moment où l'abstention elle-même est considérée comme un choix, puni ou loué comme tel, l'artiste, qu'il le veuille ou non, est embarqué. Embarqué me paraît ici plus juste qu'engagé. Et malgré une certaine éloquence - qu'on lui reprochait également - il se sentait profondément concerné et douloureusement atteint par un conflit qui le touchait jusque dans sa chair et dans ses affections les plus enracinées.» Carl Gustav Bjurstrom.
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On savait Char et Camus frères en amitié. Les quelque deux cents lettres inédites ici rassemblées l'attestent. qui retracent ce que furent les engagements et les travaux communs des deux hommes après-guerre et leur proximité attentive et réciproque. Mais ce qui donne tout son sens à cette correspondance est ce qui l'a peut-être initiée : la rencontre et la reconnaissance de deux oeuvres en même temps que leur convergence dans une époque de démesure et de déraison. Tout comme " l'envie d'écrire des poèmes ne s'accomplit que dans la mesure précise ou ils sont pensés et sentis à travers de très rares compagnons " Char à Camus, le moment de doute dans l'accomplissement d'une oeuvre ne peut que s'appuyer sur " l'ami. quand il sait et comprend, et qu'il marche lui-même. du même pas " (Camus à Char)... Une façon lumineuse, entre Ventoux et Luberon. de rejoindre l'intuition de Julien Gracq qui, avec l'éloignement du temps, voyait se " rapprocher aussi. dans la signification de leurs oeuvres. deux amis dont les silhouettes pouvaient sembler si différentes ". Correspondance croisée établie. présentée et annotée par Franck Planeille, enrichie d'annexes et de documents inédits.
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Revue L'Avant-scène théâtre n.1296 : Caligula
Albert Camus
- Avant-Scene Theatre
- Revue L'avant-scene Theatre
- 16 Février 2011
- 9782749811741
CALIGULA : C'est une vérité toute simple et toute claire, un peu bête, mais difficile à découvrir et lourde à porter.