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Pierre Guyotat
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Le grand désert, ses zones vivrières, pastorales, pétrolières, frontalières.La guerre, le viol des vivants et des morts, un crime passionnel, l'inceste, la faim.Un bordel de femmes pour les soldats, un bordel de garçons pour les ouvriers : quelques heures d'une exaltation sexuelle sans précédent, sans limites.Éden, Éden, Éden dérange dès ses premières pages, le lecteur s'y perd, puis s'imprègne de cette atmosphère «foutrement» scandaleuse, vécue comme une hallucination.Longtemps placé sous censure, ce livre devenu un classique laisse entendre, par-delà une mise en scène éclatante de la «monstruosité», un chant indestructible : le rire de l'innocent que l'on souille et qui ne le sait pas.On trouvera en fin de volume les préfaces de Michel Leiris, Roland Barthes et Philippe Sollers à l'édition de 1970.
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Tombeau pour cinq cent mille soldats ; sept chants
Pierre Guyotat
- GALLIMARD
- L'imaginaire
- 24 Avril 1980
- 9782070207220
«En ce temps-là, la guerre couvrait Ecbatane. Beaucoup d'esclaves s'échappaient, s'accrochaient aux vainqueurs mais quand ceux-ci voulaient les faire parler sur la résistance des occupés, les esclaves refusaient de livrer le nom de leurs anciens maîtres, ils retombaient alors dans une plus grande servitude. Ecbatane était encore la plus vaste capitale de l'Occident : elle avait été bâtie sur quinze kilomètres de côtes. Chaque jour, les plages en contrebas du boulevard du front de mer se couvraient de cadavres de jeunes résistants débarqués la nuit et fusillés par les sentinelles de mer. Les vainqueurs avaient vaincu sans peine : ils avaient pris une ville qui se débarrassait de ses dieux.»
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« Jadis, enfant, lorsque l'Été résonne et sent et palpite de partout, mon corps en même temps que mon moi commence de s'y circonscrire et donc de le former : le "bonheur" de vivre, d'éprouver, de prévoir déjà, le démembre, tout de ce corps éclate, les neurones vont vers ce qui les sollicite, les zones de sensation se détachent presque en blocs qui se posent aux quatre coins du paysage, aux quatre coins de la Création.
Ou bien, c'est la fusion avec le monde, ma disparition dans tout ce qui me touche, que je vois, et dans tout ce que je ne vois pas encore. Sans doute ne puis-je alors supporter de n'être qu'un seul moi devant tous ces autres moi et d'être immobile dans cet espace où l'on saute, s'élance, s'envole...
Récit lumineux d'une crise artistique et spirituelle et de ses prémices dans l'enfance du narrateur, Coma nous entraîne jusqu'aux confins de l'au-delà et nous fait entrevoir une nouvelle naissance. La confiance dans le monde, fondement de l'acte poétique et de l'acte de vivre, enchante ce récit initiatique, qui éclaire l'oeuvre faite et à venir de Pierre Guyotat.
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«Ce récit raconte la formation sensorielle, affective, intellectuelle et métaphysique d'un enfant né au tout début de la Deuxième Guerre mondiale, en France, dans un village du Sud-Est, dans une famille ancienne, catholique, et sans fortune. Je l'ai écrit comme la plupart de mes textes, à l'indicatif présent : à très peu près. Les sentiments, les interrogations, les pensées sont d'un enfant - qui ne cesse de questionner ses aînés - puis d'un adolescent - qui, à quatorze ans, décide d'écrire -, les idées, les convictions, les tourments qui s'y manifestent sont ceux de son entourage, de son temps, dans ses lieux.» Pierre Guyotat.
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I (9 à 29) «Alger. Une rue. Au 16 ter, bordel mâle. Dehors:Ali, prostitué du tenancier Paulo Martinez, pressé par une bande de jeunes clients, commente ce qui se fait à l'intérieur et qu'on devine à travers la vitre du bordel; et identifie chacun des trois autres prostitués mâles:la «blonde», la «velue», Rabia (pages 9 à 16, ligne 22). Sortie et accouplement-causette, sur le trottoir et dans la rue, de la blonde avec son client le maçon blond (pages 16 à 18, ligne 18). La blonde passe le maçon à la velue, rentre au bordel. Une nouvelle bande écarte le maçon et presse la velue. La bande réclame la blonde (pages 18 à 25, ligne 5). La velue rentre pour convaincre la blonde, en état d'accouplement avec un nègre, de sortir. La blonde veut, en veut. Paulo, qui tient à la qualification de son favori dont il ferait bien son sous-maître, puis son héritier, refuse. Rébellion de la blonde. Appel du proxénète à la reconnaissance du prostitué. Rabia, le fellateur (pages 25 à 29, ligne 30). II (29 à 45) Comment à moi enfant, adolescent, la langue à écrire m'est venue. Le collège, les condisciples:Drevet, Farlay. La Bible, l'Antiquité, les Invasions barbares, le Japon légendaire, la Seconde Guerre mondiale, je m'y incarne en esclave, en prostitué, en martyr, dont la seule défense est le don poétique. L'État, la Religion, la Loi (Édit de Constantin) ne peuvent rien contre l'inextricable:l'enfant poète n'aura de génie que pour faire entendre ce qui du Monde lui fait le plus horreur et honte.» (Extrait du résumé)
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Ecrit en 1963 par un tout jeune homme qui revient humilié et fortifié de la guerre d'algérie, ashby est un livre profond et prémonitoire de l'oeuvre future (des pages de tombeau pour cinq cent mille soldats sont déjà écrites cette même année).
L'action se déroule principalement dans le château d'ashby (d'un nom, " léonie aubois d'ashby ", dans les illuminations- réminiscence du château d'ivanhoé dans le centre de l'angleterre), placé ici dans les vallonnements du northumberland, au sud de l'ecosse. les protagonistes centraux, drusilla et angus, enfants complices pour le meilleur et pour le pire puis séparés, se retrouvent pour s'épouser et vivre, au château d'anges (devenu lord ashby) - et ailleurs en europe et hors d'europe -, un libertinage qui les entraîne vers la mort, lui après elle.
Le cadre et le " personnel " romanesques encore traditionnels ne doivent pas tromper : c'est bien, déjà, de l'eros, de son envoûtement et de sa précipitation destructrice, mortelle, qu'il est question ici : de l'impuissance humaine à y résister sauf à s'y abandonner jusqu'à l'anéantissement. la critique d'alors loue l'écriture et le rythme de ce récit, en même temps qu'elle évoque freud et sade, que l'auteur n'a pas lus et ne connaît que de réputation.
Quelques-uns des personnages d'ashby apparaissent d'abord dans sur un cheval, écrit à vingt ans, trois années auparavant : récit, à plusieurs voix, du passage de l'adolescence à la jeunesse d'un orphelin de mère, et d'un amour contrarié, ce texte vivace, rageur, sensuel et rigoureux, témoigne aussi d'une époque, celle du tout début de la nouvelle vague à paris.
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Progénitures, écrit de 1991 à 1996 et corrigé de 1997 à 1999, comporte trois parties. On trouvera ici les deux premières. La troisième, encore en transformation, sera prochainement publiée en volume séparé. Avec Progénitures, il s'agit d'une somme, d'une grande fiction, domestique, épique, métaphysique, sous forme de dialogues incessants, très rythmés, de nature comique ou terrible, comme on voudra. Ce premier volume comporte également l'enregistrement, sur CD audio, d'une lecture par l'auteur des premières pages de l'ouvrage. Cet enregistrement réalisé par France-Culture a eu lieu le 5 janvier 2000 dans le cadre des «Revues parlées» du Centre Georges-Pompidou. Au-delà de ce CD, une notice en fin de volume vient éclairer le lecteur sur la manière de lire l'ouvrage telle que la conçoit l'auteur, tandis qu'un petit glossaire explicite certains vocables aussi imagés que déroutants.
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«Mon grand dessein dont les prémisses sont repérables dans la plupart de mes écrits antérieurs, le voici. Sous l'impulsion de la plus grande quantité possible de corps, de lots de corps esclaves déportés d'un bout à l'autre des terres connues et du Temps, réanimer la plus grande quantité possible d'Éléments, de peuples, de faune, de flore, d'intempéries, de transports, de monnaie, d'habitats, de voiries, de nourritures, de médecines, de vêtements, d'ustensiles, de parures, de philtres, d'outils, d'instruments de guerre, d'asservissement et de musique, de sépultures, de métiers, de fonctions, de hiérarchies profanes, sacrées, de lois, de divertissements, de supplices, de lexiques, d'arts, de sciences, de liturgies et d'incarnations du divin, le tout même le plus pur - de l'étoile filante à l'étoile de mer, de la bouillie du nourrisson à la salive du Christ, du décret d'affranchissement aux Tables de la Loi, des feuillets de Kepler aux tablettes d'Antigone -, ce tout, infecté désespérément dans la Grande Pandémie Prostitutionnelle.» Pierre Guyotat.
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Tombeau pour cinq cent mille soldats (1967), Eden, Eden, Eden (1970), Prostitution (1975), Le Livre (1984), Bivouac (Festival d'Automne 1987), Progénitures (2000), qui, au moment où Pierre Guyotat composait ce livre, venait de paraître : un monde sans équivalent, et une langue à chaque fois plus profondément reconstruite, plus rythmée. Comment un tel monde est-il né ? Comment ses représentations se sont-elles imposées ? Quelles significations faut-il leur donner ? Et comment la langue la mieux faite pour dire ce monde et le chanter, celle de Progénitures, s'est-elle, livre après livre, composée ? Enfance, formation, références, Histoire, engagements, création, l'écriture revendiquée comme art et comme métaphysique... Dans des entretiens avec Marianne Alphant, dont il a tiré ces Explications, Pierre Guyotat revenait, de façon approfondie et toujours familière, sur ce qui a constitué son être, dans un livre qui, avant Coma et Formation, ouvrait une dimension autobiographique au coeur même de son oeuvre. Ce livre, publié pour la première fois en mars 2000, était le premier des Editions Léo Scheer, alors tout juste créées. Il reparaît aujourd'hui sous une nouvelle couverture à l'occasion de leurs dix ans d'existence.
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Suite à Formation (2007) qui n'est pas du " souvenir d'enfance " comme on l'a quelquefois écrit, mais le récit de formation d'un enfant qui pense pouvoir consacrer sa vie à la création, j'ai voulu concentrer mes forces de mémoire, d'empathie et de poésie sur la quinzième année de mon âge. On trouvera ici, entre autres faits - Dieu Créateur, Dieu Rédempteur, Vierges, conflit au père, amitié de la mère dans les prémices de sa disparition trois ans plus tard, Cosmos, Histoire, filles, femmes, garçons, filles encore, Nature, animaux, ruines de guerre, cirque, et surtout, avec la Poésie, le sexe de femme -, l'histoire, la description, l'explication d'une pratique, la " branlée-avec-texte " qui, depuis l'esquisse de sa description en 1972 dans " Langage du corps " (in Vivre) où je la signale comme déjà révolue, a suscité et suscite toujours des interprétations erronées, des déformations, voire des racontars réducteurs, quand ce qui l'animait alors se situait bien au-dessus et bien en dessous de ce qu'on croit. Plutôt que de reprendre le courant chronologique de Formation, j'ai procédé ici par journées souvent longues et suivies de leurs nuits, comprises entre la fin de Juin et la fin d'août de l'année 1955.