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La Fabrique
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L'histoire du mouvement féministe en France dans les années 1970, période au cours de laquelle le mouvement se pacifie au profit d'un féminisme étatique fondé sur des avancées législatives en terme d'égalité et de laïcité. L'internationalisme des luttes est également abordé. Enfin, des pistes d'action pour un féminisme politique sont proposées.
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Chaque secteur spécialisé de la connaissance fait à sa manière le constat d'un désastre. Les psychologues attestent d'inquiétants phénomènes de dissolution de la personnalité, d'une généralisation de la dépression qui se double, par points, de passages à l'acte fou. Les sociologues nous disent la crise de tous les rapports sociaux, l'implosion-recomposition des familles et de tous les liens traditionnels, la diffusion d'une vague de cynisme de masse ; à tel point que l'on trouve dorénavant des sociologues pour mettre en doute l'existence même d'une quelconque "société". Il y a une branche de la science économique - l'"économie non-autistique" - qui s'attache à montrer la nullité de tous les axiomes de la prétendue "science économique". Et il est inutile de renvoyer aux données recueillies par l'écologie pour dresser le constat de la catastrophe naturelle. Appréhendé ainsi, par spécialité, le désastre se mue en autant de "problème" susceptibles d'une "solution" ou, à défaut, d'une "gestion". Et le monde peut continuer sa tranquille course au gouffre.
Le Comité Invisible croit au contraire que tous les remous qui agitent la surface du présent émanent d'un craquement tectonique dans les couches les plus profondes de la civilisation. Ce n'est pas une société qui est en crise, c'est une figure du monde qui passe. Les accents de fascisme désespéré qui empuantissent l'époque, l'incendie national de novembre 2005, la rare détermination du mouvement contre le CPE, tout cela est témoin d'une extrême tension dans la situation. Tension dont la formule est la suivante : nous percevons intuitivement l'étendue de la catastrophe, mais nous manquons de tout moyen pour lui faire face. L'Insurrection qui vient tâche d'arracher à chaque spécialité le contenu de vérité qu'elle retient, en procédant par cercles. Il y a sept cercles, bien entendu, qui vont s'élargissant. Le soi, les rapports sociaux, le travail, l'économie, l'urbain, l'environnement, et la civilisation, enfin. Arracher de tels contenus de vérité, cela veut dire le plus souvent : renverser les évidences de l'époque. Au terme de ces sept cercles, il apparaît que, dans chacun de ces domaines, la police est la seule issue au sein de l'ordre existant. Et l'enjeu des prochaines présidentielles se ramène à la question de savoir qui aura le privilège d'exercer la terreur ; tant politique et police sont désormais synonymes.
La seconde partie de L'Insurrection qui vient nous sort de trente ans où l'on n'aura cessé de rabâcher que "l'on ne peut pas savoir de quoi la révolution sera faite, on ne peut rien prévoir". De la même façon que Blanqui a pu livrer les plans de ce qu'est une barricade efficace avant la Commune, nous pouvons déterminer quelles voies sont praticables hors de l'enfer existant, et lesquelles ne le sont pas. Une certaine attention aux aspects techniques du cheminement insurrectionnel n'est donc pas absente de cette partie. Tout ce que l'on peut en dire ici, c'est qu'elle tourne autour de l'appropriation locale du pouvoir par le peuple, du blocage physique de l'économie et de l'anéantissement des forces de police.
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hier encore, le discours officiel opposait les vertus de la démocratie à l'horreur totalitaire, tandis que les révolutionnaires récusaient ses apparences au nom d'une démocratie réelle à venir.
ces temps sont révolus. alors même que certains gouvernements s'emploient à exporter la démocratie par la force des armes, notre intelligentsia n'en finit pas de déceler, dans tous les aspects de la vie publique et privée, les symptômes funestes de l'" individualisme démocratique " et les ravages de l'" égalitarisme " détruisant les valeurs collectives, forgeant un nouveau totalitarisme et conduisant l'humanité au suicide.
pour comprendre cette mutation idéologique, il ne suffit pas de l'inscrire dans le présent du gouvernement mondial de la richesse. il faut remonter au scandale premier que représente le " gouvernement du peuple " et saisir les liens complexes entre démocratie, politique, république et représentation. a ce prix, il est possible de retrouver, derrière les tièdes amours d'hier et les déchaînements haineux d'aujourd'hui, la puissance subversive toujours neuve et toujours menacée de l'idée démocratique.
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« Celui qui voit ne sait pas voir » : telle est la présupposition qui traverse notre histoire, de la caverne platonicienne à la dénonciation de la société du spectacle. Elle est commune au philosophe qui veut que chacun se tienne à sa place et aux révolutionnaires qui veulent arracher les dominés aux illusions qui les y maintiennent. Pour guérir l'aveuglement de celui qui voit, deux grandes stratégies tiennent encore le haut du pavé. L'une veut montrer aux aveugles ce qu'ils ne voient pas : cela va de la pédagogie explicatrice des cartels de musées aux installations spectaculaires destinés à faire découvrir aux étourdis qu'ils sont envahis par les images du pouvoir médiatique et de la société de consommation. L'autre veut couper à sa racine le mal de la vision en transformant le spectacle en performance et le spectateur en homme agissant. Les textes réunis dans ce recueil opposent à ces deux stratégies une hypothèse aussi simple que dérangeante : que le fait de voir ne comporte aucune infirmité ; que la transformation en spectateurs de ceux qui étaient voués aux contraintes et aux hiérarchies de l'action a pu contribuer au bouleversement des positions sociales ; et que la grande dénonciation de l'homme aliéné par l'excès des images a d'abord été la réponse de l'ordre dominant à ce désordre. L'émancipation du spectateur, c'est alors l'affirmation de sa capacité de voir ce qu'il voit et de savoir quoi en penser et quoi en faire. Les interventions réunies dans ce recueil examinent, à la lumière de cette hypothèse, quelques formes et problématiques significatives de l'art contemporain et s'efforcent de répondre à quelques questions : qu'entendre exactement par art politique ou politique de l'art ? Où en sommes-nous avec la tradition de l'art critique ou avec le désir de mettre l'art dans la vie ? Comment la critique militante de la consommation des marchandises et des images est-elle devenue l'affirmation mélancolique de leur toute-puissance ou la dénonciation réactionnaire de l' « homme démocratique » ?
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Capitalisme, désir et servitude ; Marx et Spinoza
Frédéric Lordon
- Fabrique
- 9 Septembre 2010
- 9782358720137
Dans ce livre, Frédéric Lordon se penche sur le centre nerveux du capitalisme : le rapport salarial. Il l'envisage de manière marxiste, c'est-à-dire comme configuration des structures sociales, et, moins classiquement, d'un point de vue spinoziste : quels sont les affects qui font fonctionner ces structures ? Comment rendre les dominés heureux ? Que veut dire consentir ? Qu'entend l'entreprise par " motivation ", " réalisation de soi ", " épanouissement au travail " ? Comment certains salariés en viennent-ils à faire cause commune avec le Capital ?
Lordon nous le montre avec brio : le projet capitaliste est un projet de possession intégrale des âmes, des intériorités. Le totalitarisme est son stade ultime.
Lordon réouvre une porte vers une réponse communiste à l'entreprise : " une vie humaine ".
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Le partage du sensible - esthetique et politique
Jacques Rancière
- Fabrique
- 10 Avril 2000
- 9782913372054
Au-delà des débats sur la crise de l'art ou la mort de l'image qui rejouent l'interminable scène de la " fin des utopies ", le présent texte voudrait établir quelques conditions d'intelligibilité, du lien qui noue esthétique et politique.
Il propose pour cela d'en revenir à l'inscription première des pratiques artistiques dans le découpage des temps et des espaces, du visible et de l'invisible, de la parole et du bruit, qui définit à la fois le lieu et l'enjeu de la politique. on peut alors distinguer des régimes historiques des arts comme formes spécifiques de ce rapport et renvoyer les spéculations sur le destin fatal mi glorieux de la " modernité " à l'analyse d'une de ces formes.
On peut aussi comprendre comment un même régime de pensée fonde la proclamation de l'autonomie de l'art et son identification à une forme de l'expérience collective. (j-r).
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Réflexions sur les liens entre théâtre et engagement politique. L'auteur montre la complexité pour le théâtre de s'émanciper de la domination lorsque c'est cette dernière qui lui enjoint de s'engager, en prenant part à la réconciliation sociale, en portant les valeurs occidentales, en attestant de la liberté d'expression et en montrant que la République connaît encore quelques lieux de critique.
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ETAT, SOCIETE CIVILE, STRATEGIE.
LE MOMENT DE L'HEGEMONIE. L'UNITE DE LA THEORIE ET DE LA PRATIQUE. LES INTELLECTUELS. MACHIAVEL, LA POLITIQUE, LE PRINCE MODERNE ET LES CLASSES SUBALTERNES. PRODUCTION ET SEXUALITE
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Les études réunies dans ce volume constituent la première exploration systématique de la question du temps par Jacques Rancière.
Dans le retour des pensées critiques d'aujourd'hui, l'interrogation sur le temps est une figure constante, que l'on songe à la notion d'« événement » ou aux débats inusables sur la modernité et la postmodernité.
Le temps est aussi un problème qui a accompagné toute l'oeuvre de Rancière, à travers le temps arraché par les ouvriers de La Nuit des prolétaires, les nouvelles figures du temps inaugurées par la modernité littéraire, ou encore les politiques de l'image dans les cinémas de Bresson ou Straub.
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" le moderne dédaigne d'imaginer " disait mallarmé.
Poètes, peintres, dramaturges ou ingénieurs voulaient alors mettre l'union de la forme et de l'acte à la place de la vieille dualité de la réalité et de l'image. la vie en eût été révolutionnée. nos contemporains ne croient plus en la révolution et chantent à nouveau, fût-ce au passé, le culte de l'image : éclair sublime sur la toile, punctum de la photographie ou plan-icône. l'image devient la présence sensible de l'autre : verbe devenu chair ou marque du dieu irreprésentable.
A l'une et l'autre vision jacques rancière oppose la nature composée, hétérogène, de ce que nous appelons des images. celles-ci ne sont ni des copies ni des présences brutes, mais des opérations singulières, redistribuant les rapports du visible, du dicible et du pensable. a l'exemple de la phrase-image de godard, étudiée ici, qui superpose un plan de film noir, une image de l'extermination des juifs et un discours de philosophe, ce livre analyse les liens méconnus qui unissent symbolisme poétique et design industriel, fictions du xixe siècle et témoignages sur les camps ou installations de l'art contemporain.
Un même projet anime ces parcours croisés : libérer les images des ombres théologiques pour les rendre à l'invention poétique et à ses enjeux politiques.
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La domestication de l'art ; politique et mécénat
Laurent Cauwet
- Fabrique
- 11 Septembre 2017
- 9782358721561
Les poètes et les artistes sont comme tout le monde, ils doivent se nourrir et se loger, ils ont besoin d'argent. Mais la marchandisation générale a bouleversé la relation qu'ils avaient nouée avec le pouvoir politique et les mécènes depuis le temps des Médicis. La culture - le ministère de la Culture, mais pas seulement - est devenue une entreprise, explique Laurent Cauwet. Les poètes et les artistes sont ses employés, qui ont des comptes à rendre à leur employeur. « La prolétarisation des savoirfaire de l'art et de la pensée oblige à pratiquer avec plus ou moins de subtilité l'autocensure et le formatage des oeuvres commandées. » L'entreprise culture, qui prône un humanisme universel, va exporter le bon art et la bonne parole dans les quartiers populaires pour éduquer la plèbe - celle qui n'a pas les bons codes, et qui n'est pas encore docilisée. « Quelle peut être la place d'un artiste ou d'un poète, rémunéré par ce même État qui rémunère les policiers qui insultent, frappent, emprisonnent et tuent ? » De cette dérive, Cauwet donne des exemples :
Marseille capitale européenne de la Culture (2013), immense entreprise de blanchiments multiples, de magouilles immobilières, politiques, financières, sur fond sécuritaire ; ou encore l'occupation par ses étudiants de l'École des Beaux-arts de Paris (2016) sabotée au nom du « respect du patrimoine ».
Le mécénat privé est l'autre face de l'entreprise culture : Vuitton (LVMH, Bernard Arnault) et son « grand oiseau blanc » au bois de Boulogne, « cadeau aux Parisiens » construit par Frank Gehry, l'architecte le plus m'as-tu-vu du monde ;
Benetton et son projet Imago Mundi, collection de petites oeuvres commandées à des artistes du monde entier, mais pas aux enfants qu'il fait travailler en Tunisie ou au Cambodge pour des salaires de misère ; Lacoste, qui refuse de décerner le prix Lacoste Élysée à Larissa Sansour parce qu'elle avait proposé que l'État palestinien soit logé dans un gratte-ciel avec des villes sur chaque étage ; la fondation Cartier s'opposant à ce que Frank Smith lise un texte où il est question de Gaza (« On ne peut pas aborder un tel sujet à la fondation »). La culture, qu'elle soit une commande publique ou un investissement privé, est devenue une « entreprise » de pacification tout à fait profitable.
« L'entreprise culture est la place forte, offensive, où se travaille la langue de la domination, celle qui crée les fictions et les divertissements indispensables à l'écitement de toute velléité critique. »
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"Qu'est-ce qu'un démocrate, je vous prie ? C'est là un mot vague, banal, sans acception précise, un mot en caoutchouc." Cette question, ce jugement sans appel d'Auguste Blanqui datent d'un siècle et demi mais gardent une actualité dont ce livre est un signe. Il ne faut pas s'attendre à y trouver une définition de la démocratie, ni un mode d'emploi et encore moins un verdict pour ou contre. Les huit philosophes qui ont accepté d'y participer n'ont sur le sujet qu'un seul point commun : ils et elles rejettent l'idée que la démocratie consisterait à glisser de temps à autre une enveloppe dans une boîte de plastique transparent. Leurs opinions sont précises dans leurs divergences, voire contradictoires - ce qui était prévu et même souhaité. Il en ressort, pour finir, que tout usé que soit le mot "démocratie", il n'est pas à abandonner à l'ennemi car il continue à servir de pivot autour duquel tournent, depuis Platon, les plus essentielles des controverses sur la politique.
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Aussi loin du catastrophisme ambiant (" Tout va disparaître ") que de l'angélisme bêtifiant (" On en a vu d'autres "), André Schiffrin, dans ce nouveau livre, trace des pistes pour sauvegarder l'indépendance de l'édition, de la librairie, du cinéma et de la presse. Il ne se contente pas de faire un triste état des lieux : s'inspirant de tentatives qui ont réussi, d'Oslo à Paris, du Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire) à Minneapolis (Minnesota), il propose des solutions, simples ou sophistiquées, qui ont en commun de pouvoir être appliquées dès demain sans ruiner les finances publiques. Toutes ces solutions, Schiffrin le souligne, nécessitent des décisions politiques mais pas nécessairement gouvernementales : les municipalités, les régions, les États en Amérique ont un rôle important à jouer, qui peut partout contrebalancer les néolibéralismes nationaux.
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" Donner une idée de ses convictions théoriques, de sa façon de converser, voire de son allure extérieure, importe bien plus que de dévider le fil de ses oeuvres dans l'ordre chronologique, en fonction de leur contenu, de leur forme et de leur efficace. " Extraites du premier essai de ce livre, ces lignes programmatiques indiquent déjà qu'il s'agit d'un ensemble vivant. La théorie du théâtre épique, la conception du Roman de Quat'sous, la question de " l'auteur comme producteur " se mêlent à des conversations, à des lettres, à des rencontres qui ont comme toile de fond les années 1930, l'exil, la montée du nazisme. Et dans ces années de crise aiguë, transparaît la synergie entre la pensée-Benjamin et la pensée-Brecht comme par exemple lorsque Benjamin fait du trauerspiel baroque l'ascendant du théâtre épique, ou lorsqu'il met en avant chez Brecht le geste, surtout le geste inapparent, infinitésimal, ne se situant pas dans la ligne d'attente. Un dialogue des plus actuels entre deux grands esprits du XXe siècle : deux exilés, deux allemands, deux amis.
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L'aventure de la philosophie française depuis les années 1960
Alain Badiou
- Fabrique
- 18 Octobre 2012
- 9782358720441