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Éditions de Minuit
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« Alors, qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
Avec la lumière du soleil qui maintenant frappait le sol et les meubles de vieux bois marqueté, avec l'ombre des croisillons aux fenêtres qui dessinait comme un quadrillage penché sur l'épaisse moquette, elle a fini par dire qu'elle était revenue tout récemment, que pour l'instant elle logeait chez son père et qu'elle avait déposé un dossier pour un logement mais que peut-être il pourrait appuyer sa demande et que voilà, ce serait formidable pour elle si... » -
« Qu'est-ce que ça veut dire, moderato cantabile ?
- Je sais pas. »
Une leçon de piano, un enfant obstiné, une mère aimante, pas de plus simple expression de la vie tranquille d'une ville de province. Mais un cri soudain vient déchirer la trame, révélant sous la retenue de ce récit d'apparence classique une tension qui va croissant dans le silence jusqu'au paroxysme final.
« Quand même, dit Anne Desbaresdes, tu pourrais t'en souvenir une fois pour toutes. Moderato, ça veut dire modéré, et cantabile, ça veut dire chantant, c'est facile. » -
J'entends ma mère qui entre dans la chambre. Ses pas sont lents. Elle marche sur la pointe des pieds. Elle effleure les barreaux de l'échelle, suit le bord de la couchette du haut jusqu'au milieu du matelas. Je me terre dans l'angle. Elle grimpe sur le rebord du lit, plie son coude autour de la barrière, elle se tient, le corps tendu dans le vide. Je sens ses yeux, ils scrutent les reliefs à travers le garde-corps ajouré. Elle tâte la couette à ma recherche. Quand elle me trouve, ses doigts se referment, ils tentent d'identifier leur prise. Une masse de cheveux, une fesse, un talon. Sa main s'arrête sur mon épaule. Elle reste là, sans bouger.
L'Âge de détruire obtient le Goncourt du Premier Roman en 2023. -
Pour avoir jeté à la mer le promoteur immobilier Antoine Lazenec, Martial Kermeur vient d'être arrêté par la police. Au juge devant lequel il a été déféré, il retrace le cours des événements qui l'ont mené là : son divorce, la garde de son fils Erwan, son licenciement et puis surtout, les miroitants projets de Lazenec.
Il faut dire que la tentation est grande d'investir toute sa prime de licenciement dans un bel appartement avec vue sur la mer. Encore faut-il qu'il soit construit. -
Dès la première phrase, vous entrez dans le livre, ce livre que vous écrivez en le lisant et que vous finirez par ramasser sur la banquette du train qui vous a conduit de Paris à Rome, non sans de multiples arrêts et détours.
Le troisième roman de Michel Butor, paru en 1957, la même année que La Jalousie d'Alain Robbe-Grillet, Le Vent de Claude Simon et Tropismes de Nathalie Sarraute, reçut d'emblée un excellent accueil de la critique. Couronné par le prix Renaudot, traduit dans vingt langues, c'est encore aujourd'hui le plus lu des ouvrages du Nouveau Roman. -
Les tropismes, a expliqué l'auteur, " ce sont des mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience ; ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir. " Vingt-quatre petits tableaux d'oscillations intérieures presque imperceptibles à travers clichés, lieux communs et banalités quotidiennes : vingt-quatre petits récits serrés, où il n'y a plus de trame alibi, plus de noms propres, plus de " personnages ", mais seulement des " elle " et " il ", des " ils " et " elles ", qui échangent leur détresse ou leur vide au long de conversations innocemment cruelles ou savamment féroces. (...) Textes très courts où une conscience jamais nommée, simple référence impersonnelle, s'ouvre ou se rétracte à l'occasion d'une excitation extérieure, recevant la coloration qui permet de l'entrevoir.
Gaëtan Picon.
Mon premier livre contenait en germe tout ce que, dans mes ouvrages suivants, je n'ai cessé de développer. Les tropismes ont continué d'être la substance vivante de tous mes livres.
Nathalie Sarraute, préface à L'Ère du soupçon, Gallimard, 1964.
Initialement publié par Denoël en 1939, le premier livre de Nathalie Sarraute (1900-1999) est paru aux Éditions de Minuit en 1957, dans une nouvelle version où l'auteur avait retranché un chapitre pour en ajouter six nouveaux. -
Mon Opoponax, c'est peut-être, c'est même à peu près sûrement le premier livre moderne qui ait été fait sur l'enfance. Mon Opoponax, c'est l'exécution capitale de quatre-vingt-dix pour cent des livres qui ont été faits sur l'enfance. C'est la fin d'une certaine littérature et j'en remercie le ciel. C'est un livre à la fois admirable et très important parce qu'il est régi par une règle de fer, jamais enfreinte ou presque jamais, celle de n'utiliser qu'un matériau descriptif pur, et qu'un outil, le langage objectif pur. Ce dernier prend ici tout son sens. Il est celui-là même - mais porté au plain-chant par l'auteur - dont l'enfance se sert pour déblayer et dénombrer son univers. Ce qui revient à dire que mon Opoponax est un chef d'oeuvre d'écriture parce qu'il est écrit dans la langue exacte de l'Opoponax.
Mais il ne faut pas s'effrayer : les adultes même s'ils l'ignorent connaissent le langage opoponax. Il leur suffira de lire le livre de Monique`Wittig pour qu'ils s'en souviennent. À moins, mais cela peut arriver, d'avoir des yeux très fatigués par une littérature très fausse ou d'ignorer même si on fait carrière dans la littérature.
De quoi s'agit-il dans le livre ? D'enfants. De dix, cent petites filles et petits garçons qui portent les noms qu'on leur a donnés mais qui pourraient aussi bien les échanger contre des sous neufs. Il s'agit de mille petites filles ensemble, d'une marée de petites filles qui vous arrive dessus et qui vous submerge. Il s'agit bien de cela en effet, d'un élément fluide et vaste, marin. Toute une moisson, une marée d'enfants portés par une seule vague : car tout d'abord, quand le livre débute, ils sont très très jeunes, ils sont dans le fond d'un âge sans fin. On a dans les trois ans, je dirais, de Véronique Legrand ?
Nous avons tous écrit ce livre, vous aussi bien que moi. Une seule d'entre nous a découvert cet Opoponax que nous avons tous écrit, que nous le voulions ou non. C'est une fois le livre fermé que s'opère la séparation... Un chef-d'oeuvre.
Marguerite Duras, extrait de la postface -
* Roman écrit en français entre 1947 et 1948.
« De même que Dante chemine de cercle en cercle pour atteindre son Enfer ou son Paradis, de même Samuel Beckett situe-t-il, chacun dans un cercle bien distinct, les trois principaux protagonistes des romans de sa trilogie, Molloy, Malone meurt et L'Innommable, afin qu'ils atteignent, peut-être, le néant auquel ils aspirent. D'un roman à l'autre, ce cercle est de plus en plus réduit.
Si Molloy est enfermé dans un cercle, c'est celui-là même de son récit cyclique qui commence par la fin et se termine au commencement. Molloy n'est pas confiné dans un seul lieu, il possède encore un relatif degré de mobilité malgré sa mauvaise jambe. À bicyclette d'abord, muni de béquilles ensuite, puis ne pouvant plus que ramper, le voilà parti à la recherche de sa mère, dit-il. N'est-il pas plutôt en quête de lui-même, ou bien d'une certitude qui lui échappe toujours ?
Dans la deuxième partie du roman, la boucle que décrit la trajectoire de Molloy se dédouble : c'est le rapport, cyclique aussi, que rédige Moran. Détective de l'agence Youdi, Moran a reçu l'ordre de se lancer à la recherche de Molloy. Lorsque Moran entame sa poursuite, il est en pleine possession de tous ses moyens physiques, de toutes ses certitudes. Au fil de sa quête, peu à peu son état se modifie profondément et se détériore à tous égards : Moran va ressembler de plus en plus à Molloy lui-même. Moran trouvera-t-il Molloy ? Ne seraient-ils que deux facettes d'une seule et même personne ? Les deux boucles de leurs trajectoires respectives vont peut-être finir par se rencontrer pour former l'image du huit horizontal, signe de l'infini recommencement d'une impossible quête de soi. » -
Écrit en français en 1945, Premier amour est paru en 1970.
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Apprendre à finir
Laurent Mauvignier
- Éditions de Minuit
- Minuit Double
- 31 Décembre 2003
- 9782707318572
Il avait dit : ici, je n'en peux plus. Avec toi je ne peux plus. Alors après son accident, les semaines dans la chambre blanche, son retour à la maison pour la convalescence, ça a été comme une nouvelle chance pour elle, pour eux. Elle a repris confiance et elle s'est dit, je serai celle qui donnera tout, des fleurs, mon temps, tout. Pour que tout puisse recommencer.
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* Roman écrit en français entre 1947 et 1948.
De même que Dante chemine de cercle en cercle pour atteindre son Enfer ou son Paradis, de même Samuel Beckett situe-t-il, chacun dans un cercle bien distinct, les trois principaux protagonistes des romans de sa trilogie, Molloy, Malone meurt et L'Innommable, afin qu'il atteignent, peut-être, le néant auquel ils aspirent. D'un roman à l'autre, ce cercle est de plus en plus réduit.
Beaucoup plus à l'étroit que Molloy, voici donc Malone figé dans une chambre close, gisant quasi immobile dans son lit, attendant sa mort prochaine. Le seul cheminement apparemment possible est celui du regard qu'il pose sur les objets qui l'entourent. Cependant Malone possède un crayon et un cahier : il va écrire. II va décrire son état par le menu, de façon tout à la fois savoureuse et bouleversante, mais aussi il va enfin s'exiler de soi vers la périphérie où réside l'imaginaire : il va pouvoir inventer. " Vivre et inventer. (...) vivre, faire vivre, être autrui, en moi, en autrui. ». Dès lors, ce sont d'incessants allers et retours du centre jusqu'à la circonférence, cet ailleurs où prennent vie les personnages rocambolesques qu'il crée. « Et doucement mon petit espace vrombit, à nouveau. Vous me direz que c'est dans ma tête, et il me semble souvent en effet que je suis dans une tête, que ces huit, non, ces six parois sont en os massif, mais de là à dire que c'est ma tête à moi, non, ça jamais. » Malone gagne ce domaine périphérique où tantôt il semble s'inventer lui-même, tantôt il se métamorphose en l'un ou l'autre des personnages qu'il invente. Est-il encore Malone ou serait-il devenu Macmann ? Les limites deviennent floues, la frontière s'abolit entre l'écrivain Malone et ses personnages, comme aussi, fort subtilement, entre l'écrivain Samuel Beckett et Malone, son personnage.
Malone meurt est l'oeuvre dans laquelle, avec un humour extrême, une acuité et un sens poétique infinis, Samuel Beckett s'exprime le plus explicitement sur l'acte d'écrire et sur la complexité des rapports entre un écrivain, sa création et ses créatures.
Maurice Blanchot (Le Livre à venir, Éditions Gallimard, 1963)
Malone meurt apparemment va plus loin. (...) Il n'y a que la chambre, le lit, il y a le bâton avec lequel celui qui meurt attire et repousse les choses, augmentant par là le cercle de son immobilité. (...) Malone, comme Molloy, c'est un nom et une figure, et c'est aussi une suite de récits, mais ces récits ne reposent plus sur eux-mêmes ; loin d'être racontés pour que le lecteur y croie, ils sont dénoncés aussitôt dans leur artifice d'histoires inventées. -
Rencontrer une fille tatouée au Japon ; sauver la vie d'un homme sur un paquebot en mer du Nord ; nager avec les dauphins aux Bahamas ; faire l'amour à Moscou ; travailler à Dubaï ; chasser les lions en Tanzanie ; s'offrir une escapade amoureuse à Rome ; croiser des pirates dans le Golfe d'Aden ; tenter sa chance au casino en Slovénie ; se perdre dans la jungle de Thaïlande ; faire du stop jusqu'en Floride.Le seul lien entre les personnages est l'événement vers lequel tous les regards convergent en mars 2011 : le tsunami au Japon, feuilleton médiatique donnant à tous le sentiment et l'illusion de partager le même monde.
Mais si tout se fond dans la vitesse de cette globalisation où nous sommes enchaînés les uns aux autres, si chacun peut partir très loin, il reste d'abord rivé à lui-même et à ses propres histoires, dans l'anonymat. -
* Roman écrit en français en 1949.« De même que Dante chemine de cercle en cercle pour atteindre son Enfer ou son Paradis, de même Samuel Beckett situe-t-il, chacun dans un cercle bien distinct, les trois principaux protagonistes des romans de sa trilogie, Molloy, Malone meurt et L'Innommable, afin qu'ils atteignent, peut-être, le néant auquel ils aspirent. D'un roman à l'autre, ce cercle est de plus en plus réduit.
Le cercle imparti à l'Innommable se réduit à un point, c'est le trou noir au centre d'une galaxie, là où l'espace-temps se déforme, où tout est happé et s'engouffre sans pour autant disparaître.
L'être qui réside en ce point est nécessairement sans nom puisqu'il s'agit de " je », ce « moi » à jamais non identifiable. Figé, le corps de l'Innommable est incapable du moindre mouvement. Cependant il a à parler. Ses précédents personnages, Molloy, Malone et les autres passent et repassent, tournant autour de lui. Ils semblent avoir ourdi un complot pour le contraindre à continuer d'être, le forcer donc à continuer de dire. Alors l'Innommable va créer d'autres mondes, donner voix à d'autres lui-même. Les personnages qu'il devra essayer d'être - avec lucidité, mais sans jamais se départir de son humour -, seront tour à tour Mahood, homme-tronc fiché dans une jarre, puis Worm, visage indistinct qui n'est qu'oreille tressaillante et terrible inquiétude d'un unique oeil aux aguets. » -
La nuit juste avant les forêts
Bernard-Marie Koltès
- Éditions de Minuit
- Roman Francais Minuit
- 1 Février 1988
- 9782707311634
« Le jeune homme que fait parler Koltès, jeune frère de Rimbaud et de Genet, tente de retenir, en usant de tous les mots dont il dispose, un inconnu qu'il a abordé dans la rue un soir où il était seul, seul à en mourir. Il parle, il parle aussi frénétiquement qu'il ferait l'amour, il crie son univers : ces banlieues où l'on traîne sans travailler et où pourtant l'usine guette, ces rues où l'on cherche un être ou une chambre pour une nuit, ou un fragment de nuit, où l'on se cogne à des loubards partant à la chasse aux ratons, aux pédés, un univers nocturne où il est l'étranger, l'orphelin, et qu'il fuit en se cognant partout dans sa difficulté d'être et sa fureur de vivre. » (Gilles Sandier, Le Matin) La Nuit juste avant les forêts est paru aux Éditions de Minuit en 1988.
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Lorsque luc est parti, ses parents, jean et marthe, ont pensé que c'était mieux pour eux trois.
Gilbert et geneviève, son oncle et sa tante, eux aussi ils y ont cru. mais pas céline, sa cousine. elle, c'est la seule qui n'a pas été surprise, la seule à avoir craint que ce qui en luc les menaçait finisse par s'abattre sur eux. -
« Au début de l"été, Serge July m'a demandé si j'envisageais dans les choses possibles d'écrire pour Libération une chronique régulière. J'ai hésité, la perspective d'une chronique régulière m'effrayait un peu et puis je me suis dit que je pouvais toujours essayer. Nous nous sommes rencontrés. Il m'a dit que ce qu'il souhaitait, c'était une chronique qui ne traiterait pas de l'actualité politique ou autre, mais d'une sorte d'actualité parallèle à celle-ci, d'événements qui m'auraient intéressée et qui n'auraient pas forcément été retenus par l'information d'usage. Ce qu'il voulait, c'était : pendant un an chaque jour, peu importait la longueur, mais chaque jour. J'ai dit : un an c'est impossible, mais trois mois, oui. Il m'a dit : pourquoi trois mois ? J'ai dit : trois mois, la durée de l'été. Il m'a dit : d'accord, trois mois, mais alors tous les jours. Je n'avais rien à faire cet été-ci et j'ai failli flancher, et puis non, j'ai eu peur, toujours cette même panique de ne pas disposer de mes journées tout entières ouvertes sur rien. J'ai dit : non, une fois par semaine, et l'actualité que je voulais. Il a été d'accord. Les trois mois ont été couverts à part les deux semaines de fin juin et début juillet. Aujourd'hui, ce mercredi 17 septembre, je donne les textes de L'Été 80 aux Éditions de Minuit. C'est de cela que je voulais parler ici, de cette décision-là, de publier ces textes en livre. J'ai hésité à passer à ce stade de la publication de ces textes en livre, c'était difficile de résister à l'attrait de leur perte, de ne pas les laisser là où ils étaient édités, sur du papier d'un jour, éparpillés dans des numéros de journaux voués à être jetés. Et puis j'ai décidé que non, que de les laisser dans cet état de textes introuvables aurait accusé davantage encore -mais alors avec une ostentation douteuse - le caractère même de L'Été 80, à savoir, m'a-t-il semblé, celui d'un égarement dans le réel. Je me suis dit que ça suffisait comme ça avec mes films en loques, dispersés, sans contrat, perdus, que ce n'était pas la peine de faire carrière de négligence à ce point-là.
Il fallait un jour entier pour entrer dans l'actualité des faits, c'était le jour le plus dur, au point souvent d'abandonner. Il fallait un deuxième jour pour oublier, me sortir de l'obscurité de ces faits, de leur promiscuité, retrouver l'air autour. Un troisième jour pour effacer ce qui avait été écrit, écrire. » M.D. -
Dans cet hôtel à l'orée de la forêt, trois clients qui ne se connaissent pas, silencieux, solitaires : élisabeth Alione, Max Thor qui la regarde, et Stein qui regarde Max Thor. Plus tard viendront Alissa Thor, puis Bernard Alione...
Fulgurant comme l'amour, silencieux comme la mort, grave comme la folie, âpre comme la révolution, magique comme un jeu sacré, mystérieux comme l'humour, Détruire dit-elle ne ressemble à rien.Marguerite Duras (1914 - 1996) a publié Détruire dit-elle en avril 1969. Ce sera, la même année, le premier film qu'elle réalisera entièrement. Anne Villelaur dans Les Lettres françaises écrivait que " Détruire dit-elle est le plus étrange des livres de Marguerite Duras. Il ressemble à une cérémonie dont nous ignorerions le rituel et suivrions néanmoins, fascinés, le déroulement ". Et Maurice Blanchot dans L'Amitié : " Détruire. Comme cela retentit : doucement, tendrement, absolument. Un mot - infinitif marqué par l'infini - sans sujet ; une oeuvre - la destruction - qui s'accomplit par le mot même : rien que notre connaissance puisse ressaisir, surtout si elle en attend les possibilités d'action. C'est comme une clarté au coeur ; un secret soudain. Il nous est confié, afin que, se détruisant, il nous détruise pur un avenir à jamais séparé de tout présent ". -
La vie de Rosie Carpe commence à Brive-la-Gaillarde, entre son frère Lazare et ses deux parents Carpe qui sont encore, alors, dépourvus de toute espèce de fantaisie vénéneuse. Rosie conservera de Brive un souvenir confus et voilé de jaune, tandis que, pour son frère Lazare, le bonheur à Brive-la-Gaillarde gardera les couleurs d'un magnolia dont il est le seul à se rappeler la splendeur.
Ensuite, à Antony, Rosie Carpe est adulte. Elle met au monde Titi, travaille, et doucement chavire.
Quand Rosie Carpe débarque en Guadeloupe, elle a perdu depuis longtemps la maîtrise de ce qu"elle fait. Et tout ce qui lui arrive, enfant ou désastres, concerne tout aussi bien quelqu'un qui n'est peut-être pas elle. -
C'est d'abord un livre, Sortie d'usine, qui, en 1982, "s'impose comme un coup de force" selon le mot de Pierre Bergounioux. Le roman faisait en quatre semaines le tour d'une aliénation vécue de l'intérieur, évoquant le plus terrible - accident, mutilation, aliénation au travail - et surtout le plus profond des existences ouvrières : mort à soi-même, enfermement dans une vie parallèle qui ne croise jamais le chemin de son destin. François Bon dressait ainsi, dans une langue rare, heurtée, l'inventaire des abandons et des oublis, au premier rang desquels celui de vivre. Il affichait la mécanisation de l'homme amputé de ses sensations, rendu sourd, indifférent au monde par l'agression trop forte d'un univers réglé, minuté, totalitaire. Dominique Viart, François Bon.
Étude de l'oeuvre, Bordas, 2008 -
Gregor a inventé tout ce qui va être utile aux siècles à venir. Il est hélas moins habile à veiller sur ses affaires, la science l'intéresse plus que le profit. Tirant parti de ce trait de caractère, d'autres vont tout lui voler.
Pour le distraire et l'occuper, ne lui resteront que la compagnie des éclairs et le théâtre des oiseaux. Fiction sans scrupules biographiques, ce roman utilise cependant la destinée de l'ingénieur Nikola Tesla (1856-1943) et les récits qui en ont été faits. Avec lui s'achève, après Ravel et Courir, une suite de trois vies.
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Quand il est entré dans le supermarché, il s'est dirigé vers les bières. Il a ouvert une canette et l'a bue. À quoi a-t-il pensé en étanchant sa soif, à qui, je ne le sais pas.
Ce dont je suis certain, en revanche, c'est qu'entre le moment de son arrivée et celui où les vigiles l'ont arrêté, personne n'aurait imaginé qu'il n'en sortirait pas.
Cette fiction est librement inspirée d'un fait divers, survenu à Lyon, en décembre 2009.
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Traduit de l'anglais par Edith Fournier.
« Extraordinaire mise en mots, en littérature, de l'exténuation, l'oeuvre de Samuel Beckett est ainsi, encore, paysage, attente et désir d'horizon. Lue sous cette lumière, elle ne peut plus, en aucune manière, être assimilée à la traduction imagée, ornée, romanesque pour tout dire, d'une pensée du désespoir, d'une morale mélancolique ou cynique élégamment balancée. Cap au pire est la traduction ? la recréation faudrait-il écrire, tant la version française d'Edith Fournier est convaincante ? d'un texte écrit en 1982 et publié l'année suivante, en anglais, sous le titre Worstward Ho.
Encore : premier mot du livre et de tout ce qu'écrit Beckett. Premier et aussi dernier mot, qui reste suspendu à la fin de la phrase, de la page ou du souffle, quand tout semble dit et que le langage, comme le sol, se dérobe, quand l'épuisement gagne, a gagné. À partir de cet encore, la langue cependant se délie, se reconstitue, quitte à nouveau ce port de silence qui n'est jamais le bon, apprend à nouveau, apprend à dire encore à partir de rien, ou de si peu... Un corps peut-être, d'abord, ou bien d'abord le lieu. Non. D'abord les deux. Et le langage reprend, se reprend, apprend à vouloir dire encore et ce corps et ce lieu...
Écoutez. Lisant, écoutez cette voix dénudée, ce chant très pur, comptine tout autant qu'épopée, ce chant qui est l'un des plus bouleversants encore de la littérature. » (Patrick Kéchichian, Le Monde)
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Mme lemarchand a besoin d'une femme de peine.
Ce sera hilda. mais il lui faut aussi l'amitié d'hilda, toute la vie d'hilda, et l'illusion d'une égalité possible. comment supporter, sinon, d'être servie ?
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Comme un thème que propose un compositeur, auquel les interprètes musiciens peuvent apporter toutes sortes de variations personnelles, c'est un thème que Samuel Beckett nous propose dans Le Dépeupleur. Il crée avec une rigueur mathématique et géométrique un microcosme totalement clos, un « cylindre surbaissé » qu'il peuple d'une foule d'êtres captifs. Il y fait régner des castes, des hiérarchies très précises, et des lois extrêmement rigoureuses. Pour autant, l'interprétation du thème reste ouverte et c'est même dans la multiplicité des lectures qu'il suscite que réside son infinie richesse.
Le Dépeupleur est paru en 1970.